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Comprendre le patient bipolaire : un défi pour le psychiatre

La prise en charge d'une personne bipolaire est quelque chose de complexe. Malgré toutes les années d'études et l'expérience acquise, il peut encore arrivé de se sentir démuni face à la détresse d'un patient en grande difficulté. 

En effet, la gestion des épisodes maniaques et dépressifs par le psychiatre peut s'avérée délicate d'autant plus quand l'espoir et les attentes du patient ainsi que ceux de leurs proches reposent sur lui.

Aujourd'hui, je me livre à un exercice intéressant, en tant que personne bipolaire, qui est d'écrire un article pour les praticiens. Tout au long de celui-ci, j'adopterai bien évidemment du mieux que je peux le point de vue du patient que je suis.

Première séance : une fenêtre sur le monde intérieur du patient

Comme vous le savez bien, cette première séance est cruciale. Elle pose les bases d'une relation de confiance et d'entente. Être, donc, attentif aux appréhensions et aux espoirs du patient est essentiel. D'autant plus qu'il faut anticiper que le patient à :

  1. Beaucoup d'appréhension à parler de ce qu'il lui arrive
  2. Beaucoup d'appréhension à parler à une figure d'autorité souvent impressionnante
  3. Beaucoup d'appréhension vis à vis de la prise de médicaments influençant son cerveau et ses comportements

Les enjeux sont donc énormes pour le patient et tout cela va reposer sur une personne, vous. 

Dans la majorité des histoires qui nous sont racontées, le patient repart avec un traitement (ce qui est normal), mais parfois sans de réelles explications approfondies sur les effets de celui-ci. Et c'est finalement cela qui dérange le plus les personnes concernées car la plupart des patients, eux, rêvent d'un fantasme (je l'ai moi même vécu) dans lequel la prise de médicaments va tout régler du jour au lendemain. 

Mais vous comme moi savons que la réalité est tout autre. Bien loin de cela, même.

L'importance de la première impression : appréhensions et espoirs du patient

L'appréhension est donc souvent palpable lors des premiers échanges. Mains moites, pensés parasites, peur de parler, le patient se sent de nouveaux comme un enfant dans un monde dans lequel il ne connaît rien et où il doit apprendre de nouvelles compétences pour dompter le mal qui le ronge.

De plus, il a peur d'être jugé, mal compris voir même tourné en dérision. "ce que tu vis n'est pas grand chose, tu exagères un peu".

Créer un espace de confiance

Cet espace de confiance est fondamental. Pour vous comme pour le patient. Je me doute bien que vous le savez déjà mais cela reste toujours important à rappeler. Le patient doit au maximum se sentir à l'aise pour partager ses angoisses et ses craintes qui, selon lui (et ce que renvoi la société) ne sont pas normal.

Les troubles auxquels le patient fait face ne sont pas une partie de plaisir, ça, c'est évident. 

La gestion des relations humaines, en plus de la complexité des changements d'humeurs, peut alors parfois (souvent ?) devenir un enfer au vue des émotions ressentis.

Avoir un sas dans lequel il est possible de se sentir en sécurité et compris est alors indispensable.

Ce que le patient ne vous dira jamais

Comprendre la détresse silencieuse

La détresse du patient bipolaire est silencieuse et peut être, parfois, un peu minimisé. D'autant plus qu'il peut ne pas exprimer clairement sa souffrance, ne sachant lui même souvent pas ce qu'il lui arrive ni comment il peut l'accueillir.

Lire entre les lignes et reconnaître les signes subtils de lutte intérieure est la compétence que vous avez de plus précieux et que je vous invite à utiliser à volonté.

La peur des traitements : entre inquiétudes et espoirs

La peur des traitements est réelle et bien ancrée chez le patient et dans la culture du soin psychiatrique. Craintes des effets secondaires, de la dépendance ou encore tout simplement de prendre quelque chose qui va "changer" ses comportements, tout est à prendre en considération. Ainsi, discuter ouvertement de ces craintes, de les démystifier et prendre le temps de chercher à les comprendre est essentiel, bien entendu. Mais ce qui l'est encore plus, c'est que le patient ressente que vous ayez cette démarche.

La confiance ne peut s'établir que s'il y à un réel échange et j'ai moi même d'ailleurs changé plusieurs fois de psychiatre justement parce que celui-ci ne prenait pas le temps nécessaire pour installer des bases solides. 

Vous n'êtes pas sans savoir que la sensibilité d'une personne bipolaire est accrue. Montrer que cela est pris en compte permet d'installer une confiance de base. Et nous savons tous que lorsque l'on part sur de bonnes bases, il est beaucoup plus simple d'essayer de nouvelles choses comme la prise de médicaments par exemple.

Communication et empathie : au cœur de la relation

Comme mentionné précédemment, la qualité de la communication et de l'empathie est donc fondamentale.

Naviguer à travers la peur du jugement

Le patient bipolaire peut craindre d'être jugé et ce, bien plus qu'on ne l'imagine. D'autant plus lors d'une phase dépressive. J'ai, par exemple, tendance à interpréter le moindre geste, la moindre intonation ou encore le moindre regard qui me semblerai différent de d'habitude lorsque je suis en phase (ce qui devient de plus en plus rare).

Alors certes, c'est quelque chose que tout le monde fait plus ou moins naturellement finalement. 

Mais quand même, en tant que bipolaire, nous sommes de très bons clients à ce niveau là.

L'art de l'écoute active : entendre au-delà des mots

Pratiquer l'écoute active des mots, des émotions et des non-dits, c'est la base. Cela demande de la patience, de l'attention et la volonté de comprendre le vécu unique du patient. Personnellement j'ai la chance d'avoir aujourd'hui un psychiatre très doué pour cela, mais ça n'a pas toujours été le cas. Et comme tout, c'est quelque chose qui se travail et qui, honnêtement, sera largement rentabilisé pour celui qui le pratique avec une personne bipolaire (et même dans sa vie professionnelle et personnelle en générale)

Après, c'est toujours une question d'équilibre. Le métier de psychiatre doit être plutôt éprouvant psychologiquement et il est important de savoir se préserver également.

La gestion de l'implication émotionnelle est alors au coeur de la pratique.

Perspectives patient

Les préjugés et leur impact sur l'expérience du patient

Les préjugés sociaux affecte profondément le patient.

Il est crucial de reconnaître et de comprendre comment ces préjugés influencent sa perception de lui-même et de sa maladie.

Un nombre encore trop important de personnes associent les gens ayant un trouble psychique comme des fou. La faute au média ? aux films ? aux clichés ? Peu importe.

La réalité fait que aujourd'hui, quand on est atteint de bipolarité, en discuter, même avec ses amis, s'est prendre le risque de s'exposer au rejet et à la critique. Et quelle est la plus grande peur de l'Homme ? Bingo, être rejeté de son cercle social puisqu'à l'époque de la préhistoire, cela signifié littéralement de mourir.

Bref, je me suis un peu perdu.

Le vécu du patient en mots

Chaque patient est unique, chaque bipolarité est unique et chaque traitement est donc logiquement unique. Je n'ose imaginer la complexité à laquelle vous devait faire face au quotidien pour choisir quel traitement sera le plus adapté à la personne en face de vous. Vous avez réellement du courage et, il faut le dire, vos compétences sauvent chaque jours des vies, dont la mienne.

Et pour ça, un grand MERCI.

Apprendre de l'expérience patient : enrichir sa compréhension

Trêve de sentiments. En tant que psychiatre, apprendre des expériences enrichi la pratique et permet d'offrir un meilleur soutien aux patients, c'est indéniable.

Maximiser ce retour d'expériences est, selon moi, le meilleur moyen d'accélérer le processus de rétablissement. Comme j'aime souvent le dire : essais, erreur, feed back, essais, erreur, feed back, essais, ah tiens, succès (ouf).

Cela ne fait que trop plaisir lorsque les efforts conjugués avec le psychiatre mène au succès de la prise en charge et permet d'atteindre ce que tout bon bipolaire rêve : le rétablissement.

Vers une meilleure compréhension patient-psychiatre

La relation entre patient et psychiatre est un voyage continu et perpétuellement en construction.

Une relation basée sur la compréhension mutuelle

La compréhension mutuelle est la pierre angulaire de l'échange entre le patient et le psychiatre mais soyons honnête, le patient se reposera parfois davantage sur vous plutôt que d'être pro-actif dans la démarche de son parcours de soin.

La première séance, si on revient à cela est alors cruciale puisque le patient se fait rapidement une opinion de vous. Et il sera difficile pour lui d'en changer par la suite. Hors, cette opinion positive est clé pour une prise en charge optimale puisque si le patient a confiance, il y a de forte chance qu'il est confiance au traitement prescrit.

Et si ce n'est pas le cas, qu'il ne le suive pas...

Soutien et accompagnement empathique

Parlons-en rapidement.

Un patient soutenu se sentira toujours plus fort, plus capable de faire face aux défis de sa condition et en confiance par rapport aux solutions qui lui sont proposées.

Par exemple, les seuls fois durant lesquelles je n'ai pas suivi le traitement que l'on m'a proposé, c'est lorsque j'ai eu cette sensation de manque de soutient, de compréhension, d'écoute et d'empathie. 

Et devinez quoi...

Aujourd'hui, j'ai exactement le traitement qu'il m'avait prescrit. J'ai juste changé de psychiatre.

La capacité à offrir un soutien empathique peut faire toute la différence dans le parcours de soin du patient. C'est donc quelque chose à optimiser au maximum.

Conclusion : Bipolarité, un voyage partagé entre compréhension et soutien

En fin de compte, accompagner un patient bipolaire est un voyage qui se partage, c'est un échange. Chaque séance est une occasion d'apprendre, de grandir et de progresser ensemble sachant que la première séance est souvent déterminante par rapport à la construction de la confiance entre les deux parties. En comprenant les attentes et les appréhensions du patient, en lisant à travers ses peurs et en offrant une écoute et un soutien empathiques, un environnement de croissance et de progrès peut avoir lieu.

La bipolarité, avec ses hauts et ses bas, ses défis et ses opportunités, est finalement une expérience humaine profonde que ce soit pour l'un comme pour l'autre. En tant que psychiatre, le privilège est d'accompagner des patients uniques, de les aider à trouver leur équilibre et de célébrer avec eux chaque pas en avant. La célébration des victoires du patient peut d'ailleurs faire l'objet d'un autre article.

Mais rappelons-nous l'essentiel : que l'on apprend de chacun et que cela peut faire évoluer les pratiques et enrichir profondément la compréhension de la nature humaine. C'est un parcours qui demande du courage, de la compassion et un engagement constant, mais les récompenses sont inestimables.

Nous arrivons désormais à la fin de cet article. Je dois vous avouer que cela n'a pas était évident pour moi. Peurs du jugement, manque de légitimité (?) et tout un tas d'autres choses sont apparues durant l'écriture de celui-ci.

Nous tenons à vous informer que HopeStage offre des services d'accompagnement personnalisés, conçus spécifiquement pour faciliter le lancement et le suivi de vos activités en tant que praticien. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter la section de notre site web dédiée aux professionnels de la santé mentale.

Merci pour votre lecture !