Bipolarité

La bipolarité est-elle héréditaire ?

La bipolarité peut être un bon enseignant. C'est un défi de tous les jours mais cela peut vous permettre de faire presque n'importe quoi d'autre dans votre vie.

Depuis le début, le fait qu'il y aurait une part de génétique dans la bipolarité revient régulièrement.

Ainsi, avoir un ou plusieurs parents bipolaires, augmenterai les risques de l'être soi-même.

Bipolarité héréditaire : Voyons donc ensemble, aujourd'hui, le lien qui existe entre hérédité/génétique et bipolarité. 

Tout comme les formes de bipolarité, les causes du trouble sont multiples et surtout assez mal et ce, malgré les avancés scientifiques.

Les études étiologiques - études des causes et des facteurs d'une maladie - sont encore peu nombreuses et la maladie varie tellement d’un patient à l’autre qu’il est difficile de connaître et comparer les éléments déclencheurs du troubles bipolaires.

De plus, la bipolarité appartient au groupe des maladies psychiatriques à hérédité complexe. C’est-à-dire qu’elles est caractérisée par l’interaction de nombreux facteurs génétiques et de facteurs liés à l’environnement (évènements précoces de vie, deuil d'un parent, carence affective, agressions sexuelles dans l'enfance, décès...).

Si la génétique pèse pour 60 % dans l’origine des troubles, ceux-ci ne se déclenchent finalement qu’en interaction avec un ou plusieurs facteurs environnementaux.

Les études menées sur le lien entre génétique et bipolarité

Bien que les troubles bipolaires puissent survenir chez n’importe quel individu, il existe malgré tout une forte vulnérabilité génétique chez les patients concernés.

Toutes les études scientifiques s’accordent à constater que certaines familles sont plus marquées par la bipolarité que d’autres et que cette tendance ne peut pas seulement s’expliquer par des conditions partagées comme l’éducation, la culture ou encore l’histoire familiale. 

Voici donc un résumé des études menées sur le sujet depuis les années 70 et leurs découvertes.

1. Bipolarité héréditaire : Les études de la concentration de la pathologie au sein de famille

Les premières études, essentiellement statistiques, ont consisté à étudier de larges échantillons de bipolaires de Type I (type le plus marqué).

Pour les parents de 1er degré (enfants/parents, frères/sœurs), il a été montré que le risque de développer un trouble bipolaire était 10 fois supérieur au reste de la population.

 

Pour référence, dans la population générale le risque d’avoir un trouble unipolaire est de 3% et de 1% pour le trouble bipolaire de type 1 (Reich et al, 1982).

On atteint donc un risque aux alentours de 10% pour la famille proche.

Cette étude est un indice fort du caractère héréditaire de la bipolarité.

Cependant, une étude statistique ne suffit pas à différencier une origine génétique d’une origine environnementale de la maladie

En effet, de nombreux facteurs environnementaux sont partagés au sein d’une famille et impact de surcroît l'apparition de la pathologie.

2. Les études sur des jumeaux (Bertelsen et al. [1977] + McGuffin et al., 2003)

C’est en étudiant les jumeaux que l’hérédité a été reconnue comme facteur déterminant dans le déclenchement des troubles bipolaires.

La survenue concordante d’un trouble bipolaire s’élève à 60% pour des jumeaux identiques dits monozygotes (qui sont donc quasiment génétiquement identiques), contre seulement 20% des cas pour des « faux jumeaux » dits dizygotes (qui partagent en moyenne la moitié de leurs gènes).

Ces constatations vont dans le sens d’une transmission au moins partiellement génétique du trouble. 

Mais, puisqu’entre deux jumeaux identiques la concordance n’est pas de 100% (si l’un est atteint l’autre ne l’est pas toujours), le facteur héréditaire n’explique pas tout.

De plus, des facteurs environnementaux influencent le phénotype  (la façon dont les gènes s’expriment), ce qui complexifie encore l’analyse de l’origine génétique.

Il n’existe donc pas de mécanisme de transmission simple. 

Il y a bien une composante héréditaire de la maladie, mais comment faire la part entre l’hérédité et l’environnement ?

3. Les études sur des enfants adoptés (Mendlewicz and Rainer, 1977)

En 1977, une étude a été réalisée pour comparer le taux de bipolarité entre les parents naturels et adoptifs de bipolaires et de non bipolaires.

Lors de cette étude 12% des parents adoptifs d’enfants bipolaire avaient un trouble affectif ( bipolaire, unipolaire, trouble schizo affectif, cyclothymie).

Ce taux était le même chez les enfants non bipolaires. 

À l’inverse, 31% des parents naturels d’enfant bipolaire avaient un trouble affectif, contre environ 12% des parents naturels d’enfants non bipolaires

Ces chiffres nous montrent que l’intervention de facteurs héréditaires étrangers au milieu éducatif joue un rôle important dans la transmission des troubles bipolaires

Les études menées sur des familles touchées par la bipolarité ont prouvé que les parents de 1er degré de personnes diagnostiquées bipolaires ont 10 fois plus de chances d’être également atteints du trouble que le reste de la population.

Les études sur les jumeaux et les adoptions ont confirmé que les gènes jouent un rôle important dans la transmission de la bipolarité, sans pour autant expliquer à 100% la transmission du trouble. 

Il n’existe donc pas de gène de transmission unique, mais il est admis que plusieurs gènes de vulnérabilité interviennent, c’est pourquoi on parle de maladie « à héritabilité complexe ».

Posséder les gènes de vulnérabilité ne détermine pas que l’on développera la maladie. Les conditions induites par la présence de ces gènes de vulnérabilité ne constituent qu’un état de fragilité, dans lequel le sujet est plus à risque de développer la maladie bipolaire que celui qui ne présente pas ces conditions.

Identifier les gènes de vulnérabilité : un enjeu primordial (bipolarité héréditaire ?)

Si la recherche a bénéficié des progrès de la génétique, elle se heurte toujours à des obstacles comme l’hétérogénéité de la maladie et la méconnaissance du mode de transmission génétique.

Et du fait de la grande diversité clinique des troubles bipolaires, ces recherches nécessitent de très larges échantillons de patients, ce qui complique les recherches. 

L’enjeu scientifique actuel est d’identifier les gènes de vulnérabilité afin d’améliorer les procédures de diagnostiques, le développement de nouveaux traitements ainsi que le développement de stratégies préventives.

Actuellement, les études de biologie moléculaire ont permis d’identifier des régions du génome susceptibles de contenir ces gènes de vulnérabilité comme les régions chromosomiques 3p14, 4p16, 12q23-q24, 16p13, 20p12, et 21q22. Certains gènes en particulier comme SYNPR et CADPS sont étudiés. Ces pistes comme d’autres sont en cours d’exploration. 

Et pour nos enfants ?

Ce qui se cache derrière cette question de l’hérédité, pour moi comme tant d’autres personnes souffrant de troubles bipolaires, c’est la question délicate et douloureuse : “Vais-je le transmettre à mes enfants ?”

Peut-être que dans quelques années, la recherche avançant vite, nous serons capables de détecter si nos enfants ont les gènes de vulnérabilité, et de prévenir la survenue de la maladie.

Mais en attendant, nous pouvons faire autre chose qu’avoir peur.

Ce qui reste clair, c’est que nos gènes ne déterminent pas tout.

Et de toute façon, avoir ces facteurs de vulnérabilité n’est pas une condamnation. Nous n’avons pas à craindre de les transmettre.

La génétique est complexe, et des gènes peuvent à la fois apporter des choses très positives en même temps qu’une vulnérabilité à une maladie.

Surtout, comprendre les facteurs environnementaux peut nous permettre d’éviter l’apparition de la maladie, que nous ayons transmis les gènes de vulnérabilité ou non.

Cela nous laisse la possibilité d’agir sur l’environnement de nos enfants afin de prévenir la survenue de la maladie.

Une bonne nouvelle donc, qui nous laisse sur une note d'espoir en attendant d'en savoir encore davantage.

Sources :

https://www.fondation-fondamental.org/les-maladies-mentales/les-troubles-bipolaires?gclid=EAIaIQobChMI_JbK0ujA1wIVxCnTCh14SAVEEAAYASAAEgIfxfD_BwE#tab-1

https://www.troubles-bipolaires.com/maladie-bipolaire/causes-de-la-maladie-bipolaire/

“Idées reçues sur les troubles bipolaires” par Thierry Haustgen

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01559643/document

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01124049/document

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Maladies à hérédité complexe

http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/1840/2001_11_1139.pdf?sequence=4

http://campus.cerimes.fr/genetique-medicale/enseignement/genetique_5/site/html/cours.pdf