Dans notre société, les questions de santé mentale et de sexualité sont encore trop souvent entourées de tabous. Pour briser ces barrières, il est important d'aborder ces sujets de manière ouverte et honnête.
Dans ce contexte, Clément Baissat m’a invité sur son podcast « Parole de Bipolaire », une invitation que j’ai accepté avec grand plaisir.
Je suis convaincue que partager nos expériences, notre vécu, nos ressentis, même sur les sujets les plus tabous, contribue et contribuera je l’espère à aider les personnes qui souffrent d’une bipolarité.
Je m’appelle Caroline, je suis une femme atypique aux multiples facettes, je ne suis jamais rentrée dans les cases de la norme. J’ai deux emplois, l’un en tant que salarié, l’autre en tant qu’indépendante, en tant que coach professionnelle.
Cela fait plusieurs années que je vis et subis des phases hautes et des phases basses, sans savoir vraiment de quoi il s’agit...
Jusqu’à l’année dernière, je ne savais pas ce que j’avais. Je ne me comprenais pas. Je disais souvent que mes années duraient 6 mois…
6 mois dans le noir, où je disparaissais complètement.
6 mois dans la lumière où j’avais le sentiment de rattraper le temps perdu. Et ma libido faisait de même…6 mois avec zéro envie, zéro désir. Et 6 mois où je décrochais les étoiles tellement mon désir et mes envies étaient hautes…
Lors de la pause du diagnostic de bipolarité en novembre 2023, j’ai enfin pu mettre des mots sur ce que je vivais, sur ce que je ressentais…et j’ai pris conscience que ma sexualité comprenait des phases de comportements impulsifs et compulsifs. Parfois comme une addiction.
Bonne nouvelle : ça peut se réguler, ça peut se contrôler à minima… c’est assez compliqué quand même… je dois bien me l’avouer si je suis honnête…mais avec du temps, de la patience et une bonne dose d’amour de soi… j'y arrive la plupart du temps…
Mauvaise nouvelle : ce qui est gagné le lundi, peut se casser la figure le mercredi…il faut passer par une phase d’acceptation…
Pourquoi les personnes bipolaires sont souvent concernées ?
Les personnes bipolaires ont quatre fois plus de risques de développer des addictions par rapport à la population générale. Cela est dû à un fonctionnement différent de notre cerveau et de nos neurotransmetteurs.
Au fil des mois, j’ai développé et mis en place des stratégies pour apprivoiser mes démons et gérer mes impulsions, j’utilise plusieurs indicateurs personnels pour m’alerter en temps réel de la phase que je suis en train de vivre.
J’ai eu envie de vous partager ce qui fonctionne pour moi, ça vaut le coup d’essayer, avec beaucoup de patience et un non-jugement sur votre propre personne, vous aurez des résultats positifs.
Testez-le……au pire…. Vous aurez essayé 😊
Les applis de rencontre sont très souvent utiles pour faire des rencontres intimes, et il faut bien se l’avouer…c’est bien pratique cette invention.
Sauf que... j’ai clairement identifié que le mécanisme addictif des applis n’est absolument pas le meilleur allié des personnes bipolaires et est souvent la cause d’un virage en phase up...
Les notifications à chaque like… l’envie d’aller regarder qui est celle ou celui qui a envie d’aller plus loin… les propositions incessantes de nouveaux profils… si vous les avez déjà utilisées, vous serez sûrement d’accord avec moi sur le fait :
- qu’il est souvent difficile de résister,
- qu’il est très facile d’y passer beaucoup de temps, consciemment ou inconsciemment,
- et que, pendant ce temps….votre cerveau se nourrit de comportements néfastes pour son bon fonctionnement…
La 1ère règle que je m’impose (et qui est valable pour TOUTES les applications en général, hormis celles que vous estimez indispensables) : PAS DE NOTIFICATION.
L’idée avec ce concept, c’est que vous décidiez en conscience du moment où vous allez vous connecter. Et pas l’inverse. Fini le « like » qui vient vous déconcentrer en plein travail, en pleine lecture, pire…en plein sommeil !
La 2ème règle ultra efficace si vous voyez que vous passez trop de temps, beaucoup trop de temps sur Meetic et compagnie… imposez-vous des périodes de désinstallation de l’appli. Radical mais efficace.
Rassurez-vous :
- Vous ne perdrez pas votre abonnement, il s’agit juste d’une désinstallation de l’appli, pas d’une résiliation de votre compte (vous avez eu peur hein 😊)
- Vous êtes en pleine conversation avec un rencard potentiel et vous ne voulez pas passer à côté de vos échanges ? no panic, j’ai la solution ! activez uniquement dans les paramètres de l’appli une notification par Mail des réponses à vos conversations en cours. Tout en continuant à désactiver les autres notifications Mail…. Ainsi, quand le moment sera venu pour vous d’aller consulter vos mails, vous pourrez répondre à votre prétentant-e à partir du mail, tranquillement et plus sous l’impulsion de la compulsion 😊
- Soyez indulgent-e avec vous-même et ne vous jugez pas. Vous n’avez réussi à ne tenir que 2 jours sans l’appli ? vous l’avez ré-installé aussi sec le 3ème jour ? Ce n’est pas grave, essayer de vous dire que vous avez réussi au moins 2 jours sans céder à cette compulsion et votre cerveau vous en remercie 😊
Si vous lisez cet article, vous avez peut-être également vu le diagramme de l'humeur.
Ce tableau de suivi, je vous invite à le personnaliser avec vos propres indicateurs. Par exemple, dans le mien, j’ai adapté ma liste de prodromes avec ceux que j’ai identifié pour chacune de mes phases.
Dans ma phase up, j’ai rajouté plusieurs lignes de suivi pour :
« libido haute, masturbation, prise de risque, site de rencontre, rapports sexuels, heures de sommeil, réveils nocturnes…mais aussi règles menstruelles, phase d’ovulation, syndrôme pré-menstruel »
Ce sera le sujet d’un autre article mais savez-vous que le SPM (syndrôme pré-menstruel) est un perturbateur non négligeable dans une phase up ?
Ce tableau me suit au quotidien. Il est aussi important que mon traitement. A la maison il est épinglé dans ma chambre et je le complète chaque matin au réveil en 10 secondes.
En déplacement, je le glisse dans ma valise, c’est MON ALLIE, il me suit partout !
Grâce à sa complétude régulière, je peux voir où je me situe dans la courbe des humeurs, j’arrive même à faire des liens de cause à effet hyper évidents en le lisant et à anticiper.
Par exemple, je sais vous dire que le 20/08/24, je n’ai dormi que 5h40, que toutes mes cases liées à ma sexualité étaient cochées…cette situation a perduré 72 heures donc le 4ème jour, à la lecture du graphique, j’ai décidé en conscience (et avec l’accord de mon psychiatre) de baisser mon anti-dépresseur de 30 mg car j’étais en train d’amorcer une phase up. J’ai supprimé les applis de rencontre, je me suis imposée des moments calmes sans mon téléphone, et la vague est passée assez rapidement.
Un point majeur également est l'importance du soutien des proches. J’insiste vraiment sur le fait d'avoir un aidant ou une personne de confiance à qui se confier. Et oser parler de sa sexualité à sa personne de confiance, c’est aussi réussir à mettre des mots sur notre rapport au sexe. Personnellement, ma meilleure amie, qui est également mon aidante, me rassure souvent sur le fait que telle ou telle acte sexuel n’est pas grave, que c’est ok, que je n’ai pas à ressentir de la honte. Sentiment qui peut me traverser par moment.
J’ai pu faire participer mon aidante à la "journée des aidants" au centre expert bipolaire du CHU de Montpellier, qui met en lumière le rôle fondamental des proches dans la gestion du trouble bipolaire. Je ne peux que vous le conseiller si vous en avez un près de chez vous.
Parler ouvertement de la bipolarité dans une relation amoureuse est essentiel selon moi. Mais terriblement difficile aussi !
J’ai besoin d’être transparente avec mon partenaire surtout lorsque la relation s’installe et que les premiers sentiments apparaissent.
Tant que je ne le fais pas, j’ai le sentiment d’être une impostrice. La complexité de parler de mon hypersexualité à mon partenaire est un défi, mais essentiel pour moi pour bâtir des relations basées sur la confiance et la compréhension mutuelle.
Voilà, j’espère vous avoir mis un peu en lumière des aspects souvent négligés des troubles bipolaires.
Briser les tabous autour de la santé mentale et de la sexualité est essentiel pour une meilleure compréhension et une gestion efficace de nos troubles.
Si vous vous reconnaissez dans mon témoignage ou si vous souhaitez approfondir d’autres sujets, je vous conseille vraiment de suivre les prochains épisodes du podcast « Parole de Bipolaire »
Pour plus d'informations sur la gestion des addictions et des troubles bipolaires, je vous recommande de consulter un addictologue si besoin, d’en parler également à votre psychiatre et votre psychologue.
Personne très inspirante à suivre sur les réseaux sociaux : le psychiatre et addictologue Laurent Karila. Cet homme fait des post et des émissions très pertinentes sur le sujet des addictions.