La santé mentale est un enjeu majeur pour la France, où l'État et les professionnels de santé cherchent à améliorer les soins et les traitements pour les patients.
Cet article examine les défis actuels et les perspectives d'évolution de la santé mentale avec un focus sur la France, notamment en ce qui concerne le financement et l'adoption de nouvelles technologies.
Nous explorerons les cinq niveaux d'évolution des soins en santé mentale, allant du travail isolé des professionnels de santé jusqu’à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour accompagner les patients.
Au niveau 1 des soins en santé mentale, les professionnels tels que les psychiatres travaillent de manière isolée. Ils prennent des notes sur papier et aident les patients par la parole (psychothérapie) et les traitements médicamenteux.
Dans ce contexte, les professionnels de santé, souvent en libéral, travaillent généralement de manière indépendante.
Un psychiatre, par exemple, prescrira des médicaments et réalisera ses tâches sans collaborer de manière proactive avec d'autres professionnels de santé ou des associations.
Ainsi, les patients sont laissés à eux-mêmes pour constituer leur équipe de soins (psychologue, pair aidant, association...).
En outre, les professionnels de santé, bien qu'étant des généralistes compétents en matière de santé mentale, pourraient ne pas posséder d'expertise approfondie dans une pathologie spécifique.
Cela peut restreindre leur capacité à offrir des soins personnalisés adaptés aux besoins de chaque patient, mais leur polyvalence reste un atout pour traiter diverses problématiques.
Le deuxième niveau introduit une collaboration entre les professionnels de santé.
Ici les psychiatres, psychologues, pair aidants, infirmiers et secrétaires travaillent ensemble pour améliorer la prise en charge globale du patient.
Cette approche permet de mieux répondre aux besoins du patient et d'assurer un suivi plus cohérent.
Dans l'approche de niveau 2, les professionnels de santé ont tendance à se répartir les rôles.
Généralement, le psychiatre s'occupe de la supervision et, notamment, de la partie médicamenteuse. Il travaille habituellement avec un psychologue, qui est en charge de la psychothérapie et met en place les bons repères mentaux pour aider son patient, par exemple avec la thérapie cognitive et comportementale. (TCC)
Ensuite, il y a d'autres métiers impliqués dans cette approche collaborative. On peut citer le rôle du secrétaire, qui s'occupe d'organiser les informations et de définir les plannings. Le secrétaire joue un rôle important dans la coordination et la gestion des informations, contribuant ainsi à un suivi plus structuré et efficace du patient.
En outre, il est important de mentionner le rôle des associations dans la collaboration entre les professionnels de santé et les patients. Ces associations organisent des rencontres entre personnes concernées par la même pathologie, notamment par le biais de groupes de parole et d'échanges.
Ce type de soutien, appelé "pair-aidance", permet aux patients de partager leurs expériences, d'apprendre les uns des autres et de se sentir moins seuls face à leur situation.
Ces associations jouent un rôle crucial dans la collaboration, en facilitant la communication entre les patients et les professionnels de santé, en contribuant à la diffusion d'informations sur les différentes pathologies et en offrant un soutien émotionnel aux personnes concernées.
Elles participent activement à l'acceptation de la pathologie pour une amélioration de la prise en charge globale des patients et renforcent l'approche collaborative au sein du niveau 2 des soins en santé mentale.
Le niveau 3 des soins en santé mentale se caractérise par l'accès des patients à des ressources en ligne en complément de leurs consultations avec leur équipe de soins.
Cette approche permet aux patients de rejoindre des communautés d'entraide en ligne, de suivre des formations, de regarder des vidéos, d'écouter des podcasts et de lire des articles.
Ainsi, ils peuvent travailler sur leur santé mentale en dehors des consultations et bénéficier d'un soutien plus large.
Dans ce contexte, les patients peuvent travailler de manière autonome sur divers aspects de leur santé mentale en utilisant des ressources en ligne. Par exemple, un patient souffrant de dépression pourra suivre des formations pour comprendre les mécanismes de la dépression et écouter des podcasts pour apprendre comment s'en sortir (nutrition, sport...).
Cette approche permet de renforcer l'apprentissage et la mémorisation en impliquant activement le patient dans son processus de guérison.
En plus des ressources en ligne, le niveau 3 encourage également les patients à être actifs après leurs consultations.
Ils peuvent, par exemple, résumer ce qu'ils ont appris lors de leurs rendez-vous avec les professionnels de santé et envoyer ces informations par écrit.
Cette approche permet de renforcer l’apprentissage et la mémorisation en impliquant activement le patient dans son processus de guérison.
Au niveau 4 des soins en santé mentale, l'utilisation des données joue un rôle central pour améliorer le suivi et le traitement des patients.
Les données peuvent être collectées de manière proactive ou passive, incluant des informations sur le sommeil, les déplacements, l'humeur et la prise de médicaments, diagramme de l'humeur.
Ces données permettent d'ajuster les traitements, de mettre en place des cellules d'urgence et de proposer des consultations plus rapidement si nécessaire.
Contrairement à d'autres pathologies, comme le cancer, où des examens tels que les prises de sang et les IRM permettent de déterminer le traitement le plus approprié, la psychiatrie dispose rarement de telles informations.
Les psychiatres testent souvent un médicament en raccourcissant les délais de consultation, puis évaluent son efficacité et ses éventuels effets secondaires au fil du temps.
L'objectif du niveau 4 est d'apporter aux professionnels de santé des données beaucoup plus fiables pour qu'ils puissent prendre les bonnes décisions.
Les données collectées par les smartphones, qu'ils soient Android ou iOS, telles que le temps de sommeil, les déplacements et les interactions sociales, pourraient permettre aux professionnels de santé de comprendre si un médicament correspond aux besoins du patient de manière plus fiable et rapide.
On pourrait même imaginer l'utilisation de ces données en amont du traitement pour mieux cerner les besoins du patient et proposer un médicament plus adapté.
Enfin, le cinquième niveau implique l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour fournir un soutien quotidien aux patients. L'IA, comme par exemple ChatGPT, peut servir de journal intime interactif, permettant aux patients de discuter de leurs problèmes à tout moment.
Les données collectées par l'IA peuvent également être transmises aux professionnels de santé pour adapter les traitements et mieux comprendre les besoins des patients.
Ce niveau de soins représente une évolution majeure, car l'intelligence artificielle offre une disponibilité 24 heures sur 24 et une capacité de mémorisation des informations supérieure à celle d'un humain.
Bien que cela présente certains risques, cela peut aussi être considéré comme une opportunité pour les patients d'accéder à un soutien plus efficace.
L'intelligence artificielle pourrait récupérer les données de toutes les conversations et, au fur et à mesure de sa connaissance du patient, lui proposer des solutions pour travailler de manière plus efficace.
À l'instar d'un journal intime, les patients pourraient converser et expliquer ce qu'ils ressentent, leurs difficultés et leurs réussites, et l'IA les aiderait à s'orienter vers des choix de vie bénéfiques pour leur santé mentale.
Cependant, il est important de reconnaître les limites potentielles de cette approche.
Malgré ces défis, l'intelligence artificielle offre un potentiel remarquable pour améliorer les soins en santé mentale. Les données et les informations recueillies pourraient être utilisées par les professionnels de santé pour créer un parcours de soins personnalisé, en collaboration avec l'IA, les ressources en ligne, les associations et les données collectées.
Cette approche intégrée pourrait offrir un soutien optimal aux patients en matière de santé mentale (d'autant plus dans les pays ou l'accès aux professionnels de santé est parfois impossible).
L'État français cherche actuellement à faire évoluer la santé mentale du niveau 1, où les professionnels de santé travaillent de manière isolée, au niveau 2, avec une collaboration entre professionnels pour améliorer la productivité (maison de santé...).
Cette évolution va dans le bon sens, mais est-elle suffisamment rapide face aux défis actuels ?
En France, le secteur de la santé mentale est marqué par une inégalité d'accès aux soins et par un manque de financement.
Les patients ont souvent accès uniquement aux psychiatres remboursés par la Sécurité sociale, alors que les psychologues en libéral ne sont pas pris en charge.
De plus, les entreprises et les laboratoires investissent peu dans la santé mentale, en raison des faibles retombées financières et du manque de données sur les médicaments.
Chaque année, l'État français dépense environ 9,4 milliards d'euros pour la bipolarité et 109 milliards d'euros pour la santé mentale selon l'haute autorité de la santé (HAS).
Ces coûts sont principalement liés aux hospitalisations, qui pourraient être évitées grâce à une meilleure prévention.
Cependant, les patients considèrent souvent que la santé doit être gratuite et n'investissent pas dans la prévention, ce qui engendre des coûts élevés pour l'État et un impact humain important pour les patients.
Face à ces défis, l'État français a mis en place des Centres médicaux psychosociaux (CMP) niveau 2, pour offrir des soins en santé mentale.
Cependant, ces centres sont confrontés à des problèmes de manque de médecins, de moyens et de demande croissante de la part des patients. La question centrale est donc de savoir comment financer la santé mentale en amont pour prévenir plutôt que guérir.
Pour résoudre ces problèmes, il est essentiel de passer à des niveaux supérieurs de soins en santé mentale, en intégrant les données et pourquoi pas un jour l'intelligence artificielle.
Cependant, des obstacles légaux et techniques empêchent l'adoption rapide de ces technologies.
Aujourd'hui, il est très compliqué en France d'utiliser le niveau 5 de la santé mentale, c'est-à-dire l'intelligence artificielle, en raison des restrictions légales concernant la collecte et l'utilisation de données encore peu connues et présentant des risques importants.
Par exemple, il n'est pas possible de collecter passivement des données sur le téléphone portable d'une personne et de les transmettre aux professionnels de santé.
Cependant, nous avons choisi de travailler avec une application du ministère de la Santé appelée Jardin Mental, qui permet aux patients de déclarer des données de santé, comme leur temps de sommeil et leur humeur.
Ces informations, une fois partagées avec les professionnels de santé, permettent d'optimiser le temps en consultation.
Nous collaborons également en équipe réunissant psychiatres, psychologues, pairs aidants qui travaillent ensemble pour le soin du patient, avec des rôles bien déterminés. En se spécialisant dans des pathologies spécifiques, comme la bipolarité, plutôt que de rester généralistes.
Le travail effectué en dehors des consultations en ligne, à travers des exercices et des formations, est déjà ancré dans notre manière de travailler. Notre communauté d'entraide compte plus de 2000 personnes, et nous proposons par exemple des formations pour comprendre et surmonter la dépression.
La prise en charge de la santé mentale évolue et se diversifie, avec cinq niveaux de soins allant du travail isolé des professionnels de santé jusqu'à l'utilisation de l'intelligence artificielle.
Ces niveaux incluent la collaboration entre professionnels de santé, l'accès à des ressources en ligne, l'utilisation des données et l'intégration de l'intelligence artificiel (IA) pour un soutien quotidien.
Bien que certaines avancées, comme l'utilisation de l'IA, soient encore limitées par la législation en France, des initiatives telles que l'application Jardin Mental permettent aux patients de partager des données déclaratives avec leur équipe de soins.
La collaboration entre professionnels, l'accès à des formations et des exercices en ligne et le développement d'expertises spécifiques pour certaines pathologies contribuent à améliorer la qualité des soins en santé mentale.
Chez HopeStage, nous nous efforçons d'adopter ces approches innovantes pour offrir à nos patients un parcours de soins complet et adapté à leurs besoins.
La participation active des patients, la collaboration entre professionnels et l'utilisation de technologies et de ressources en ligne constituent des éléments clés pour une prise en charge optimale de la santé mentale.